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Construire des étagères à mains nues (ouep)

Dernière mise à jour : 21 janv. 2019



Bon alors, que je vous raconte.

Ce n'est évidemment pas l'article le plus glamour de l'année, mais attention les échardes, vous l'avez voulu, réclamé à cors et à cri, menacé de m'ostraciser si je ne vous livrais pas mon secret, alors maintenant va falloir lire jusqu'au bout. Ceci dit, je comprends votre curiosité malsaine.

Moi-même, avant de me lancer dans cette aventure crépusculaire qui consiste à fabriquer un cellier comme on l'appelle désormais, j'aurais vendu ma mère en pantoufles pour avoir une petite idée de la façon dont on faisait tenir deux planches ensemble. Maintenant je sais. Et finalement, rassurez-vous, c'est pas si compliqué.

Il suffit juste de s'armer de patience (et bien sûr, si on vous explique avant, ça aide, y a pas à tortiller).


Alors voilà l'histoire.

Derrière ma salle à manger, j'ai une petite pièce, 5/6m2, une ancienne salle de bains (rose, mon vieux, rose t'as pas idée comment...).






On savait pas trop quoi en faire et, par une nuit de pleine lune, suite à une indigestion de champignons, on a décidé de la transformer en rangements.

Après avoir consulté un artisan menuisier aux doigts d'or (Meilleur Ouvrier de France) dont on attend toujours le devis (mais parfois la patience est une vraie vertu, amen), j'ai réalisé que ce que je voulais vraiment, c'était quelque chose d'assez brut.

Pour vous donner une idée, voilà l'image de Pinterest qui guidait mes pas :



Des étagères assez simples somme toute, sans portes, avec des tasseaux, et des planches de bois clair.

Ça ne devait pas être sorcier me dis-je, aussi direction le marchand de bois comme on va aux soldes Prada, fissa fissa.

Je vous passe mes douze changements d'avis mais finalement j'opte pour des planches de cèdre rouge brutes (qu'il me faudra poncer) en 3cm d'épaisseur et 14,5cm de large ( tout ça en version 2,5 et 3m de long j'ai pris les 2 mais bon, ça tout le monde s'en fout).

Pourquoi du cèdre rouge ? Voilà une question qu'elle est bonne.

Parce que : - le cèdre rouge c'est pas très cher : guère plus que du pin Douglas, beaucoup moins que le chêne bien sûr (que j'ai abandonné vite fait en me disant que pour une première, j'allais commencer avec un bois qui ne coûtait pas un bras) - c'est sacrément joli : c'est très blond, on aime bien. - c'est un bois qui sent bon (le cèdre ça répulse les bestioles type mites, très pratique pour les dressings - maligne la lapine hein ?) - c'est un bois tendre, facile à couper (note bien que pour la résistance mécanique c'est pas la panacée, donc tu te lances pas dans des étagères de 2m de long d'un seul tenant sinon tu dis au revoir au service vintage de grand-maman).

Voilà.T'as d'autres questions ? Je calcule la longueur de ma pièce, le nombre d'étagères, tout ça, et j'en déduis le nombre de planches et de tasseaux qu'il me faut. Suite à quoi je me munis du reste du matériel nécessaire à savoir :

- des vis spécial bois aggloméré (je calcule la taille en me basant sur l'épaisseur de ma planche à laquelle s'ajoute celle de mon tasseau et fais en sorte que ce soit juste un peu plus petit pour pas que ça dépasse moche) - des chevilles Molly car j'ai des murs en placo sur lesquels je vais devoir fixer des montants un peu quand même que ça tienne - la pince adéquate pour fixer les chevilles Molly, un mini marteau (qu'avec ma cops Mag on appelle le marteau de Barbie, c'est joli) pour enfoncer mes vis (oui, la cheville Molly, surtout, tu perces toujours trop petit et tu l'enfonces au marteau) - une perceuse avec tout le kit de mèches (en plusieurs exemplaires, c'est mieux) et un kit de blocage (des petits anneaux qui se mettent autour de la mèche) pour les tourillons en bois - une visseuse/ dévisseuse - une ponceuse de compétition (je vous la montre parce que pour le coup j'ai gagné des heures en l'utilisant. Mes planches étaient vraiment brutes j'en avais un bon paquet et avec elle j'ai poncé dans du velours. Ca peut valoir le coup d'en louer une si vous faites de l'étagère au kilomètre). Son grain qui va bien (du 80 pour moi).



- une scie à onglet (ma scie préférée) : pour couper les tasseaux notamment. Vous pouvez le faire à la scie à main mais perso j'ai la chance d'avoir cet outil que j'aime donc j'en profite. - une scie sauteuse : alors je vous préviens, avec la scie à onglet, c'est elle qui m'a fait tout le boulot. Du coup, il est impératif d'en avoir une bonne. Bon, moi ça fonctionne parce que j'ai bossé avec un bois tendre et une bonne scie mais si le bois est plus dur, il vous faudra une scie circulaire.



- une règle, un compas, un mètre, un niveau - des tourillons en bois - de la colle à bois - des serre-joints - Un crayon, une gomme - Un mètre électronique - quelques équerres de métal plates pas plus larges que la planche

Ca nous fait une sacrée liste d'ingrédients, hein ? Ouais, ben on est pas là pour rigoler.


Bon, à ce stade, je vous explique mon plan quinquennal. Mon projet est en L. Dans un premier temps, je dois construire toute la partie étagère (sur 2m40) sur un pan de mur avant de faire la partie dressing sur le retour du mur à droite. Ca a l'air simple comme ça...



Ben c'est simple. Sauf que : - Mes murs ne sont pas droits bien sûr ! Je vais devoir découper chaque montant en biais sur la hauteur car le plafond descend en soupente. C'est d'ailleurs ce qui va déterminer la largeur de mes étagères... Je vais les faire de la largeur de cette déclivité.




Et bien sûr, la hauteur de chaque montant ne sera pas la même à droite et à gauche car la hauteur de plafond varie de quelques centimètres. screugneugneugneu... Mais peu importe car, disons-le à ce stade, il faut TOUJOURS PARTIR DU PRINCIPE QUE RIEN N'EST DROIT. Jamais l'axiome de Protagoras n'a été plus vrai qu'en menuiserie : l'homme est la mesure de toute chose. Si vous voulez faire un meuble qui soit droit, vous ne devez jamais laisser le meuble mesurer pour vous. Vous devez mesurer le meuble à chaque seconde, encore et encore. Sans répit. Inlassablement. TOUT LE TEMPS. OKAY ?

Bien. Une fois que j'ai dit ça, j'ai tout dit. Enfin, presque.

Comment j'ai fait ? En gros, j'ai commencé par faire un plancher. J'ai découpé deux fois trois planches (oui, à chaque fois c'est trois planches pour faire ma largeur totale d'étagère) pour réaliser mon L. J'ai ensuite lié les planches entre elles avec des tourillons en bois.

Soyons pédagogues tout de même. De votre minutie dépend le résultat final. Donc : quand vous découpez, ça doit être droit. C'est à ça que sert l'équerre, et tous les ustensiles. Mesurez plusieurs fois, vérifiez, prenez la mesure à plusieurs endroits sur la planche, surtout au début, quand vous n'avez pas encore les bons réflexes. Sinon, vous êtes repartis pour un tour et surtout, vous devenez fous. Au sens propre du terme. On rapporte plusieurs actes criminels liés à des faits de bricolages ayant mal tourné.

Je reprends. Pour insérer les tourillons, je vous explique un peu. Votre bois ici est brut. Il est possible qu'avec le temps (même s'il est très épais), il gauchisse un peu, il ondule quoi. Il se déforme. A cause de l'humidité, de la chaleur, du pont thermique, car le bois est un matériau vivant. Du coup, perso, j'ai sécurisé deux/ trois éléments dont notamment le sol et les portes du dressing (pas les montants car j'ai estimé que les tasseaux faisaient le job et pas les étagères proprement dit car ce n'étaient pas de grandes longueurs et comme j'ai tout le loisir d'y accéder 24/24, si jamais ça se tord, j'interviens sans délai comme Ghostbusters tu vois).


Je profite de cette parenthèse pour dire quelque chose de très important que je ne sais pas où caser ailleurs. Ne serrez pas tout à donf. Le bois se dilate. Donc il va jouer. Il va falloir lui laisser un peu de jeu partout pour qu'il prenne sa place. Si vous le coincez trop, il va pousser (et il est TRES TRES fort) et se déformer ou déformer ce sur quoi il pousse. Comme pour un parquet, il faut donc laisser un peu d'espace au bois pour qu'il se mette en place. Quelques millimètres. Voilou.


Pour la pose des tourillons, je mets les deux planches que je vais joindre ensemble en champ (l'une contre l'autre), bien alignées en me basant sur l'un des bords, et je les bloque avec des serre joints. Tous les 20/30 cm je trace un trait à l'équerre sur la tranche conjointe des deux planches et je marque le milieu de chaque planche sur ce trait. je me retrouve donc avec un emplacement en vis à vis à équidistance que je perce (j'équipe ma perceuse d'un kit de blocage ad hoc qui me permet de ne pas percer trop profond, juste la taille d'un demi-tourillon). Je vérifie bien que le tourillon rentre dans le trou, et hop, quand tout est percé, j'ajuste la planche à sec. Si besoin j'ajuste un peu en élargissant les trous un poil, je vérifie que mes deux planches sont OK et je fais pareil avec les deux autres. Je vérifie que les trois planches sont OK, que ça me fait un beau plancher tout droit, tout beau, et ensuite, je mets un peu de colle à bois sur la tranche et dans les trous des goupillons vides et je colle l'ensemble que je fais sécher avec les serre-joints en vérifiant de temps en temps que la colle ne coule pas et que rien n'a bougé.

Si c'est pas clair, je vous ferai une photo. Une vidéo. Ce que vous voulez.

Bon. Admettons. Vous avez fait votre sol. Deux jolis assemblages. Vous les posez au sol. Tout ça doit être DROIT. Donc vous posez votre niveau dessus et vous rectifiez l'assaisonnement. Une petite cale en dessous de vos planches (un petit bout de bois c'est le top, ou de métal, parce que le carton ça s'écrase trop, ça se mouille, c'est tout pourri). Et vous voilà partis sur de bonnes bases. Maintenant, on commence les étages. C'est parti pour les montants.



Bon ben c'est comme on a dit. On commence par la planche du fond. On mesure la hauteur. Pour l'angle c'est pas complicado, on prend son équerre, son mètre, et on fait l'acrobate (oui, car il suffit de calculer l'angle et de le reporter sur sa planche : là par écrit ça va prendre trois plombes à expliquer mais est-ce vraiment nécessaire ?). Il est probable que vous deviez enlever 1 ou 2mm au final si vous prenez la mesure exacte. Vous le verrez à la pratique. Mais que cela ne devienne un automatisme qu'une fois que vous maîtrisez votre pratique sinon vous allez vous emballer. Mieux vaut raboter (c'est là qu'une super ponceuse c'est top, elle vous lime 2mm en un rien de temps) que vous retrouver avec une planche 5mm trop courte toute pourrite.

On pré-coupe tous les montants en mesurant chaque planche à chaque fois (il n'y aura pas une planche de la même taille que l'autre, cherchez pas).

On les positionne (on les cale avec du carton, c'est joli, ça fait zizir, on dirait que c'est fini, hop, on va boire un coup, on prend des photos, on les met sur Instagram !).



Et quand tout est super qu'on a checké douze fois. On y va, on fixe. On commence par celle de droite (enfin, celle qui sécurise l'ensemble quoi). Pour ma part, ce premier montant était à fixer dans un mur en placo et je voulais éviter qu'on voit les vis.

J'ai donc percé au niveau des étagères de façon à ce que les planches des étagères une fois posées recouvrent les vis (j'aurais pu mettre de la pâte à bois sur les parties apparentes des vis mais du coup, je n'aurais plus pu les dévisser, c'est ballot). J'en ai mis 6 (3 en haut, 3 en bas).

En vérité, dans ce type d'étagères, le véritable équilibre se crée dans l'ensemble. Ce ne sont pas les vis qui vont tenir la structure mais le jeu des forces. Ceci dit, il faut quand même sécuriser la tenue du meuble et c'est pourquoi j'ai mis quelques chevilles Molly sur le côté et aussi, dans le fond du meuble quelques équerres elles aussi dissimulées par les étagères une fois posées. Ce n'est pas ça qui tient le meuble mais si il y a un tremblement de terre, ça donnera trente secondes de répit aux verres en cristal de ma grand-mère. C'est déjà ça.

Bien sûr quand on monte les montants (hihi, c'te lapalissade), on abuse du niveau pour s'assurer qu'on le monte droit. Ca va de soi.

Bon. On a déjà bien avancé. On a fait la moitié !

Si tu es comme moi et que tu as peur que le monde s'écroule, tu peux donc rajouter quelques équerres sous tes tasseaux ou tes étagères dans le fond pour fixer les montants à ton mur. Sinon, ne reste plus qu'à déterminer la hauteur de vos étagères et c'est parti mon kiki.

La pose type c'est :

1/ A DROITE - Je découpe un tasseau (légèrement plus petit que la largueur totale de mon étagère car c'est plus joli quand l'étagère vient recouvrir le tasseaux d'un centimètre ou deux). - Je le fixe à gauche avec un serre joint de façon à ce que, quand je mets mon état!re dessus, cette dernière soit à la hauteur souhaitée (merci de découper votre étagère à ce stade, elle doit être dispo pour vous assurer avec le niveau qu'elle sera droite une fois les tasseaux définitivement posée). - Je vérifie avec le niveau que le tasseau est bien droit - Je marque au crayon sous le tasseau la ligne repère indiquant là où il est droit (si je peux je laisse le niveau dessus) - je pré-perce trois trous minimum pour les vis tout en vérifiant bien que le tasseau reste droit (grâce au trait marqué et/ ou au niveau) - je visse


2/ A GAUCHE - Je pose la planche étagère témoin sur ce premier tasseau et dessus je pose le niveau - en face, je pose le second tasseau et je le fixe avec le serre joint en m'assurant que la planche témoin est droite - je marque au crayon la hauteur à laquelle le tasseau doit se situer pour que la planche d'étagère soit bien droite - j'enlève la planche et je revérifie que le tasseau est bien droit avec le niveau. Au besoin, je rectifie la rectitude du tasseau en m'assurant que ce dernier reste à la hauteur que j'ai déterminée précédemment (ouais, c'est subtil, mais c'est la meilleur méthode ever #nobelprize) - je fixe bien avec le serre-joint et je marque au crayon - je pré-perce - je visse

Le tour est joué.



Alors la subtilité ben sûr c'est quand vous voulez mettre des étagères à la même hauteur tout du long. Car vous ne voulez pas percer au même endroit d'un côté et de l'autre, isn't it? Ca ferait désordre.

Pour refaire, rien de pus simple. Il suffit de reporter au crayon sur votre tasseau la position de perçage possible des vis. Vous mettez votre tasseau du côté où les vis ont déjà été mises, vous indiquez l'endroit juste à côté où vous pouvez percer, et vous retournez le tasseau (mettez un petit D pour indiquer 'devant' sur le tasseau comme ça vous ne vous trompez pas de sens) de l'autre côté. C'est simple comme une omelette.

Bon ben là, on s'est tout dit. A quelques gros mots et quelques échardes près, vous devriez avoir de belles étagères prêtes à recevoir un beau tas de babioles. Toutes mes félicitations ! Vous avez vu, c'est long, mais c'est gratifiant et cette odeur de bois c'est à vous rendre dingue...



Bon, sinon, mon compagnonnage s'est poursuivi dans la seconde partie du L. Mais c'est évidemment une autre histoire... Allez, salut les gens !



PS: et si vous en voulez plus, je ne peux que vous recommander ce livre, qui est super bien foutu, pour passer votre CAP menuiserie les doigts dans le nez.



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