Flashback. Vous êtes au moyen-âge, Instagram n'existe pas, Netflix non plus, inspirez-vous des passe-temps de l'époque et utilisez vos pouces pour autre chose que jouer à Red Dead Redemption 8h/jour.

Toi tu crois qu'au moyen-âge les moines ils chillaient tranquille sur des sofas en pierre, en suçotant du vin de messe, jouant au strip-poker avec leurs homologues féminines ? C'est mal les connaître (même si je les soupçonne d'avoir dévoyé, entre autres bricoles, l'enluminure au service du Pictionnary).
La vérité c'est que, dès potron-minet, ils enfilaient leur soutane Gardena et se précipitaient au jardin pour cultiver le potiron, l'herbe à porée, les simples. Avec un savoir-faire niveau prestige, ces ouvriers du ciel cultivaient la terre, suivant un ordonnancement inspiré du Paradis (qui paraît-il est un jardin, dixit l'étymologie du terme - pairidaeza, l'enclos en iranien avestique - devenus paradeisos en grec)...

Pharmacopée, comestibles, plantes magiques et plantes décoratives pour l'autel et le culte, plantes textiles, fruitiers : dans l'espace réduit qu'était souvent le jardin monastique, rien ne manquait.
Pour tenir dans la version réduite du Paradis, les moines ont fait preuve d'une ingéniosité redoutable. Les arbres sont palissés, les grimpantes guidées, l'espace optimisé en carrés. Et pour délimiter chaque zone, ces malinous ont pioché dans la nature exactement ce dont ils avaient besoin : du saule, du châtaigner et du noisetier, auxquels ils ont ajouté un peu/ beaucoup d'huile de coude (ils avaient le temps, quand tu te lèves à quatre du pour les matines, il te reste de la marge jusqu'à l'heure de la soupe).
Si tu crois que le résultat de cet engagement permaculturé est un savant bordel, que les gars se contentaient de brasser de la terre, tu te trompes.
La beauté des jardins médiévaux dépasse l'entendement. Si tu veux t'en rendre compte par toi-même, monte dans ta twingo et rends-toi au jardin du Prieuré d'Orsan, dans le Berry, où des dingos ont fouillé tous les grimoires pour reconstituer les jardins dans leur jus.

Si après ça tu claques pas sur place et que tu veux plus rentrer, rappelle-toi que la vie monacale c'est pas ton truc et songe au fait que si l'époque bénie où même le moche était beau est révolue, il te reste toujours la possibilité de t'inspirer de tant de perfection.
Bref, c'est là où j'en viens à te parler du plessis.
Afin de structurer le jardin médiéval, les moines avaient donc recours à des barrières, arches et menues constructions qu'ils obtenaient en tressant le bois.
Pas n'importe quel bois, vu que seuls le saule, le châtaignier et le noisetier (précédemment cités pour favoriser le catch mnémotechnique et que tu puisses pas dire que t'as déjà oublié) offrent à la fois une souplesse exemplaire et une excellente résistance aux aléas en extérieur : ils supportent les assauts du vent, du soleil et de la pluie avec vaillance.
Concernant ces trois matériaux, il faut noter que le saule est utilisé pour son bois extrêmement souple, qui permet entre autres de réaliser des liens, et bien sûr de fabriquer des paniers (vu que l'osier, c'est du saule).

Récolté la plupart du temps en brins, il offre également l'avantage de pousser comme du chiendent, si bien qu'on peut réaliser avec lui du tressage vivant. Les brins coupés sont replantés direct dans la terre, as simple as that, et tressés pour obtenir des barrières, des igloos, des lions (ouais), tout ce dont tu as besoin pour agrémenter ton jardin.

Vu que j'ai promis de vous parler du plessis (haie obtenue par tressage donc) réalisé dans mon jardin, je vais me concentrer sur ce que j'ai fait, ça ira plus vite.
Bien décidée à réaliser ça chez moi…

… j'ai opté pour des gaulettes de châtaigner (le noisetier marche aussi, c'est kifkif).
J'ai d'abord cherché à en acheter, mais c'est coton. A ce sujet, je peux te recommander le site suivant, qui est expert en réalisation et qui semble t'il peut te fournir.
http://auxbrinstresses.fr/le-chataignier/
Ou encore ici :
http://bois-de-chauffage-et-piquets.fr/produits-bois/tuteurs-et-gaulettes/
Mais il n'a pas de stock et il faut donc être patient (genre patient en années tu vois).
Checke aussi ici :
https://cloturedeco.fr/gaulettes-et-plessis/16-gaulettes-en-chataignier
Et là :
https://www.emeraude-chataignier.fr/gaulette-chataignier/p-15
Tu peux aussi en trouver sur le bon coin, autour de 1 à 2€ la gaulette.
Mais c'est le transport qui est cher, bien sûr, car ça ne rentre pas dans une enveloppe Colissimo, tu l'auras deviné.
Si tu as des amis qui ont des haies en châtaignier qui demandent à être éclaircies, c'est le pied. Tu leur rends service. Le châtaignier repousse bien, donc t'inquiète, si tu prélèves quelques branches sur un pied, il se débrouillera pour les remplacer l'année suivante.
Pour ma part, vu que j'habite dans une forêt, j'ai fait un deal win-win avec l'exploitant et j'ai pu aller me servir à condition de récolter le bois moi-même.
Je ne vous cache pas que c'est plutôt physique comme activité, mais bon, si tu envisages un Wood Dead Redemption en mode immersion totale, tu as le total flashback dans les années 1200's garanti.
Les gaulettes se récoltent entre décembre et mars (après la sève remonte, l'arbre reprend vie, c'est le bordel). A cette période le bois est bien souple comme tu aimes.
Pour faire ta bordure, tu as besoin de gaulettes qui vont servir au tressage et bien sûr de piquets.
Là, tu vas devoir opérer un choix esthétique et moral.

Vu que ça reste du bois, tu auras bien compris que la durée de vie de l'ouvrage est plus réduite qu'une bordure en parpaings. Aussi, soit tu fais tout en bois (y compris les piquets) auquel cas tu peux compter dessus pendant 3 à 4 ans avant de tout refaire - et tu mérites une médaille de super monk - soit tu triches comme un imposteur de moine de bazar que tu es et tu utilises des piquets en métal, ce qui te donne une espérance de vie d'une dizaine d'années vu que c'est les piquets qui morflent le plus à cause qu'ils sont dans la terre et que l'humidité et les xylophages vont se charger du juste retour au compost.
Pour ma part, j'ai ma médaille de super moine (bim) et j'ai tout fait en châtaignier.

Ceci dit, tu peux aussi mêler les techniques et faire intervenir la méthode du Shou-Sugi Ban.
Ah.
Cette technique du bois brûlé permet de rendre ce dernier imputrescible. Pas pour toute la vie, mais assez pour être peinard un paquet d'années. J'ai tenté la technique sur une partie de mon plessis, sur la partie des piquets allant en terre, en faisant brûler la base sur lit de braise. Tu peux utiliser un chalumeau si t'en as un pour les crèmes brûlées (je plaisante, prends-toi une torche flamme balèze) ça marche aussi.

Une fois que tu t'es décidé, voilà comment tu procèdes :
Tu plantes tes piquets (en linéaire pour une bordure, en rond, en carré, en fait tu fais à peu près ce que tu veux, on est en démocratie).
La distance et la taille des piquets dépend du diamètre des gaulettes. Plus ces dernières sont grosses, plus les piquets sont espacés. Pour ma part, je les ai plantés tous les 30 à 40 cm. L'important c'est bien sûr que tu puisses tresser le bois sans le casser tout en conservant un peu de résistance.

Ensuite, l'idéal est d'avoir des gaulettes un peu humides (tu vois très bien de quoi je veux parler), aussi, tu peux les arroser la veille ou les laisser prendre la pluie.
Pour les piquets, tu prévois large. Ils vont s'enfoncer de vingt centimètres dans le sol, et dépasser d'autant au dessus de la hauteur voulue de tressage, comme ça t'es peinard et tu pourras les découper tous à la même hauteur (en biseau, pour que la pluie ne stagne pas) une fois l'ouvrage achevé.
Pour les planter, j'ai utilisé un support en métal pour poteau qui m'a permis de faire un pré-trou dans mon sol tout pourri plein de cailloux.

J'ai tapé sur mon support à la masse (oui, tu le défonces, mais c'est pas grave), écarté les gros cailloux que j'ai récupérés, et ensuite, j'ai installé mon piquet sur une profondeur d'environ 15 cm à 20 cm, que j'ai calé avec les pierres enfoncées à leur tour à coups de masse. Un coup de masse sur les piquets pour finir de les enfoncer, et je peux te dire qu'après ça, ça bouge plus un cil. J'ai remis un peu de terre dessus, et ni vu ni connu, c'était réglé.
Reste à passer à la phase du tressage qui est la plus rapide et la plus simple en fait.
Pour une haie, j'ai commencé simultanément de chaque côté par des gaulettes bien costaud. Tu en poses deux ou trois. Tu commences toujours par une gaulette à l'intérieur, bien sûr, et tu alternes. Ensuite, tu fais preuve de logique pour que ton tressage soit équilibré, et de la même hauteur partout. Du coup, tu tresses aussi à partir de différents endroits de l'ouvrage, faisant toujours en sorte que l'extrémité de ta gaulette soit à du côté qui ne se verra pas. Si tu fais du plessis en rond, tu te débrouilles. C'est la même technique mais sans début ni fin, donc tu mets les gaulettes dans un sens et dans l'autre en tournant autour de l'ouvrage comme un illuminé.

Tu peux alterner avec des brins beaucoup plus fin pour éviter les trous et pas jeter surtout, auquel cas, tu peux utiliser trois ou quatre brins plus fins mis ensemble, en veillant à conserver un rendu équilibré (les brins ensemble auront le même diamètre que ta gaulette).

De temps en temps, tu appuies bien sur l'ensemble pour faire descendre les gaulettes et donner une bonne consistance à l'ouvrage. Tu finis sur le dessus avec des gaulettes assez épaisses pour faire tenir le tout.
Vu que j'avais des gaulettes sauvages, et donc pas régulières, il m'a fallu jouer avec leurs formes, car elles s'insèrent différemment ensemble, il faut donc s'assurer que les gaulettes s'intègrent bien, sans créer de trous, sans rebiquer, et au besoin changer de gaulette, et mettre l'autre ailleurs ou dans l'autre sens.
Les gaulettes vendues sont plus régulières et droites, ça doit donc être piece of cake.
Si tu prévois de remblayer l'intérieur de ta bordure avec de la terre, pense bien à placer un géotextile entre le plessis et la terre. Cela permettra de contenir la terre et de protéger ton plessis de l'humidité.

Une fois fini le travail, reste à couper les piquets en biseau à la même hauteur et au besoin solidifier chaque extrémité de la bordure en plantant un autre piquet de part et d'autre, ou en utilisant du fil de fer. Mais si vos gaulettes sont assez épaisses, c'est inutile. Vous coupez également les gaulettes à droite et à gauche de la bordure à la même longueur si besoin, en laissant dépasser d'au moins 15 à 20 cm après le dernier piquet.

Pour le plessis en carré, si vous avez des gaulettes régulières, la technique consiste à tailler en biseau pour qu'à chaque angle les gaulettes s'ajustent. Vous verrez ça ici :
https://www.facebook.com/watch/?v=1210091015713173
Note bien qu'en plus de découper le dessus des piquets en biseau, tu peux aussi les peindre (en peinture bois amphibie) pour un effet super arty (c'est une idée que j'ai, mais j'ai jamais essayé), ou les badigeonner d'huile de moteur de vidange. C'est bien dégueu, mais ça les empêchera de trop prendre la flotte.
Voilà, tu sais tout.
Bien sûr, le châtaignier sert à d'autres réalisations en bois dans le jardin : barrières, portails etc. C'est sans fin. C'est fantastique. C'est médiéval.

Et là une petite vidéo du résultat.
Plus d'infos : le blog du jardinier d'Orsan. Le mec va te scier. http://www.prieuredorsan.com/journal/jardinier/
Le Shou-Sugi Ban, pour briller en soirée :https://www.maison-travaux.fr/maison-travaux/materiaux/bois-materiaux/insolite-construire-maison-bois-brule-196237.html#item=1